Antennes 5G : Bordeaux et la Métropole se questionnent sur leur implantation et veulent un débat public à la rentrée

A la rentrée, la commercialisation du réseau 5G sera lancée dans toute la France. À Bordeaux, une expérimentation est menée depuis 2018 sur une vingtaine d’antennes. Mais le nouveau maire écologiste de Bordeaux souhaite organiser un moratoire, avant de poursuivre son usage dans la métropole. 

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C’était l'une de ses promesses de campagne : Pierre Hurmic veut instaurer un moratoire sur les antennes 5G, avant leur ouverture commerciale, prévue à la rentrée. “Ce n’est pas une lubie d’écologistes. On ne dit pas “non” à la 5G. Nous voulons juste ralentir cette course et envisager ses conséquences avant de s’y engouffrer”, précise Delphine Jamet, adjointe au maire de Bordeaux, en charge du numérique. 
 

Ouverture précipitée

Selon l’Arcep (Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse), le réseau 5G pourrait être ouvert à la commercialisation dès octobre ou novembre, “à la discrétion des opérateurs” sélectionnés (Bouygues, Orange, SFR et Free). Une commercialisation qui intervient après deux ans d’expérimentation, à Bordeaux et Mérignac notamment. 

De cette expérimentation, l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail) a réalisé une étude évaluant l’impact sanitaire, écologique et social du réseau sur la population. Les résultats seront rendus au premier trimestre 2021. Une échéance tardive qui a poussé la mairie de Bordeaux et Bordeaux Métropole à freiner la machine. 

“Il y a trop d’impacts différents. Nous ne pouvons pas nous jeter là-dedans sans regarder les tenants et aboutissants de tout. Nous ne pouvons pas nous précipiter en matière de politique publique”, avertit Delphine Jamet, adjointe au numérique de la mairie de Bordeaux et de Bordeaux Métropole. 
 

Du médical aux transports connectés

Prometteuse, la 5G se targue de pouvoir améliorer l’utilisation des objets connectés et des communications. “Une quantité beaucoup plus importante de données peut être échangée sans engorgement des réseaux”, explique l’Arcep sur son site. 

Une utilisation qui résonne dans le contexte actuel : lors du confinement, certains réseaux ont frôlé la saturation. “Les fréquences actuellement disponibles ne permettront pas de répondre à l’augmentation continue du trafic”, explique l’Arcep.

Et la 5G ne s’arrête pas là. Elle sera principalement destinée au milieu médical ou aux transports autonomes. D’autres applications sont déjà mises en avant par les opérateurs. “Quelques services avec de très forts besoins de bandes passantes sont envisagés comme par exemple des services de multimédia augmenté avec multiples prises de vues lors d’événements sportifs ou culturels ou encore la gestion d’outils industriels dans les usines”, résume l’Arcep sur son site. 

Mais l’argument ne semble pas convaincre l’adjointe au numérique de la Métropole, qui dépeint une technologie gadget. “Voir sa série Netflix en HD en un instant, sans délai de chargement, ou avoir un frigo qui nous dit quand on a plus de fromage, c'est bien. Mais est-ce vraiment nécessaire ?”, questionne Delphine Jamet. 

Avec ces promesses, la 5G dessine les contours d’une société “hyper-connectée”. Une vision que de nombreux politiques et citoyens dénoncent en soulignant les conséquences négatives sur l’environnement et la santé.


Changer de téléphone

Différente des réseaux précédents, la 5G ne sera malheureusement pas compatible avec la majorité des téléphones actuels. “La 5G aura un impact écologique énorme, avec notamment l’extraction des terres rares nécessaires pour construire les nouveaux téléphones”, explique Delphine Jamet.

De nombreux citoyens seront donc contraints de changer leurs appareils, s’ils veulent bénéficier du nouveau réseau. Un véritable désastre économique et écologique pour Delphine Jamet. “Forcer la population à se payer un nouveau téléphone n’est pas dans l’intérêt général”, avance Delphine Jamet, qui craint que cette “technologie de riches” crée de nouvelles fractures sociales. 

À l’augmentation de la consommation du réseau ou des terres rares, l’Arcep oppose une réduction des dépenses énergétiques. “La 5G a une meilleure efficacité énergétique. A trafic constant, ses usages peuvent réduire l’impact environnemental d’autres secteurs”

Mais pour l’adjointe au numérique de la Métropole, ce scénario n’est pas envisageable. “La 5G consommera trois fois plus que la 4G du fait d’un nombre important de petites antennes. Car si au départ en effet, il y aura une baisse de la consommation énergétique, avec le développement des objets connectés, les antennes 5G vont se multiplier et le trafic sera forcément plus important”, prévoit Delphine Jamet.

Une prévision qu’Elisabeth Renwez, correspondante en Gironde de l’association Priartem, envisage également. “Avec la commercialisation, il y aura des antennes-relais tous les 100 mètres dans les agglomérations”, explique-t-elle.

L’Arcep assure cependant mettre en place un baromètre vert. Elle devrait également ouvrir une plateforme de travail sur le thème “pour un numérique soutenable”.
 

Surexposition aux ondes

La question de l’impact des ondes sur la santé est entrée dans le débat public depuis de plusieurs années. Au cœur des négociations, l’électrosensibilité, qui a augmenté de 5 % en France, liée à une exposition longue aux ondes électromagnétiques envoyées, entre autres, par les smartphones et les antennes, selon l'association Priartem.

“Cela se caractérise par des maux de têtes, des troubles du sommeil et des problèmes cardiaques. On ne peut plus vivre normalement et il n’y a pas de traitement”, explique Elisabeth Renwez.

Si dans son dernier rapport l’Anses a reconnu la réalité des souffrance causées par cette pathologie, l’association Priartem, qui lutte contre l’électrosensibilité, s’inquiète désormais du réseau 5G. Selon certaines projections collectées par l'association, les points atypiques, des zones où l’exposition prolongée aux ondes présente des risques, pourraient être multipliés par huit. 

“Qui dit plus d’antennes, dit plus de malades. Aujourd’hui, nous militons pour des “zones blanches”, pour retrouver une vie normale. Avec la multiplication des antennes 5G, nous n’aurons plus d’endroits refuges”, explique la correspondante girondine de l’association.
 

“S’il faut aller au contentieux, nous irons”

Si le maire de Bordeaux et la Métropole souhaitent freiner l’étalement de la 5G sur son territoire, ils n’en ont cependant pas le pouvoir. Depuis 2011, seules les autorités compétentes, dont l’Arcep, peuvent réglementer l’implantation des antennes locales. 

Une situation que Bordeaux Métropole refuse. “La Métropole va confirmer à l’Arcep qu’elle ne donnera pas suite aux expérimentations de la 5G, tout comme son ouverture commerciale tant qu’un moratoire ne sera pas établi”, annonce Delphine Jamet.

Ce forum public devrait se tenir en octobre prochain, avec les citoyens et les acteurs du domaine, comme Priartem. “Nous voulons sensibiliser et interroger le public sur ces différentes thématiques”, explique l’adjointe au numérique de Bordeaux Métropole. Il sera accompagné d’une campagne de communication.

Mais cette décision risque de poser problème aux opérateurs, qui ne pourront alors pas installer leurs antennes.“S’il faut aller au contentieux parce que les opérateurs nous attaquent, nous le ferons et nous mettrons en avant le principe de précaution, inscrit dans la Constitution, car il revient au maire de protéger sa population”, martèle l’adjointe au maire de Bordeaux.

Au plan national, les Verts doivent se réunir dans le courant de ce mois d'août pour adopter une position commune avec d’autres villes.
 

Mobilisation régionale

De leur côté, les associations aussi se mobilisent. “Nous avons déposé un recours au Conseil d’Etat pour suspendre les textes qui lancent la mise aux enchères des fréquences 5G”, détaille Elisabeth Renwez, correspondante en Gironde de Priartem. 

S’il n’a retenu aucun problème sur la forme, le Conseil d’Etat doit se prononcer sur le fond, avant l’attribution des blocs 5G, en septembre.

Une pétition en ligne contre l’installation du réseau a déjà récolté 84 000 signatures. Des associations se mobilisent aussi à Bayonne et dans les Landes, pour organiser d’autres réunions d’information, en septembre. 

 
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